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A la Galerie - Club Roger Descombes artiste inquiétant

Critique qui parut en Notes d’art de la Tribune de Genève au début du mois de mai 1974.


Artiste inquiétant, c’est-à-dire générateur d’inquiétude chez qui contemple ses œuvres, tel est certainement Roger Descombes actuellement présenté à la Galerie-club.  J’ai naguère parlé de Roger Descombes à l’occasion d’une exposition de ses planches botaniques au Cabinet des estampes : on peut aujourd’hui en revoir plusieurs : elles sont admirables de précision et de poésie dans la grande tradition des gravures d’histoire naturelle des siècles passés. Je ne reviendrai pas sur ces réussites parfaites. Non, l’élément inquiétant n’est pas là mais bien dans les autres cuivres et la peinture.

Roger Descombes est en effet l’auteur d’estampes d’une précision dont le style fait penser à celui de maîtres comme Bracquemond ou Félicien Rops mais dont le caractère prédominant est un érotisme intellectuel exacerbé. 

Michelet

Voici « Michelet » assis à la tête aussi bestiale  que celle d’un anthropoïde et qui serre entre ses jambes une très petite femme nue.

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        Voici une « Suzanne au bain » à la coiffure sophistiquée, agressivement dénudée jusqu’aux genoux, les seins dures et violemment tendus tandis qu’à l’arrière – plan les vieillards s’ébrouent et bombent le ventre.

Voici« L’enfantement par le viol » d’une sœur jumelle de cette Suzanne, avec au second plan la scène annoncée. 

 

 

Voici « Les Amuseurs » un petit homme courtaud, trapu, à la face animale et, le chevauchant, une fille frénétique. 

Voici « Femme et enfants », l’une des planches les plus troublantes : une grande femelle nue et debout, le sexe ouvert, allaitante, un serpent enroulé autour de l’une de ses jambes tandis qu’un garçon habillé à la face mongoloïde accentue la morbidité de l’œuvre par le double contraste du vestimentaire opposé à la nudité et de la figure animale opposée à la féminité humaine (même contrastes que dans le « Michelet »).  Tout cela dégage un sentiment de malaise encore accentué par l’acuité de l’exécution.

Les huiles sont étranges elles aussi, mais à d’autres titres. Ce sont peintures de graveur en ce sens que le dessin y est d’une vigueur et d’une intensité inaccoutumée mais ce sont aussi peintures de peintre car il y a là des recherches de matières et de tons d’un grand intérêt. Peintures monumentales où dominent des bleus délavés, des blancs et des noirs, relevés par quelques couleurs vivres, œuvres architecturées d’une composition hardie.  Les mains et les pieds y jouent un rôle singulier, ces mains qui, parfois, forment à elles seules un tableau, qui ailleurs sont immenses comme dans la « Crucifixion » ou multipliées dans « l’Extrême - Onction », elles sont veinées comme du marbre et sont aussi, signées de hantise.

On ne peut rester indifférent à l’art de Roger Descombes ; une personnalité très forte.

 

A.A. K.

 

 

 

Tribune de Genève, mai 1974

A.A. K. TRIBUNE DE GENEVE